Mes jeunes années dans l'Armée de l'Air.(Suite 6)

L'intermède parisien. 1951/52

Février 1951. Me voici donc de retour dans ma famille pour un long congé de plus de 2 mois qu'on appelait " Congé de fin de séjour colonial ". J'ai bien du mal à m'acclimater à ce froid de février, mais les beaux jours reviennent quand même. J'avais déjà pensé à ce congé ainsi qu'à l'acquisition d'une nouvelle moto. Je me mis donc à la recherche d'un engin correspondant à mes maigres économies. Ce fut encore une moto anglaise BSA de 500 cc de cylindrée . Une occasion que je dus aller chercher à Lyon. Vieille de plus de 15 ans, mais à faible kilométrage, n'ayant pas roulé pendant toute la guerre 39/45. Ce modèle était beaucoup plus nerveux que celle de Tunis, et me donna toute satisfaction pendant plusieurs années.

Vers la fin de mon congé, je reçus la notification de ma future affectation. Je supposais que j'allais me retrouver sur une base aérienne de métropole ou d'AFN, mais j'eus la surprise d'être affecté à une " planque ", comme on disait alors en parlant de ces affectations dans les états-majors parisiens. Ces planques étaient souvent le résultat de pistons divers, ce qui n'était pas mon cas, bien évidemment, n'ayant aucune huile dans mes modestes relations.
Bref, cette affectation, c'était le Détachement de l'Armée de l'Air auprès du SGACC…( pour Secrétariat Général à l'Aviation Civile Commerciale), installé à Paris 15ème, Rue de la Convention. Unité essentiellement administrative chargée de gérer les personnels militaires travaillant avec l'aviation civile ( météorologues, contrôleurs aériens ou autres). La plupart de ces " planqués " étaient mariés et habitaient Paris ou la banlieue. Comme célibataire, je dus me mettre à la recherche d'une chambre d'hôtel à proximité de mon travail. Cela engendrait des dépenses assez importantes vu mon salaire de sergent, puis sergent-chef. Malgré cela, j'appréciais de découvrir la capitale, surtout que je ramenais bien vite ma moto à Paris ce qui me permettait d'en découvrir les environs en toute liberté. De même les voyages Paris - Louhans , quoique peu fréquents , se déroulaient très bien… pas question de bouchons à cette époque sur la Nationale 6 !
C'est aussi à cette période que Paul, mon frère, se maria et je pus donc être de la noce, alors que je n'avais pas pu assister à celle de Pierre, marié en 1947 alors que j'étais en Tunisie et n'avais pas pu avoir de permission.
Mon travail, bureaucratique , n'était pas plus harassant qu'exaltant . Mais l'ambiance était très relaxe et je me voyais avec la perspective de deux ou trois ans planqué là avant une prochaine mutation. Le hasard voulut qu'il en soit autrement. En effet, dans ce travail de bureau, on est toujours au courant de toutes les innombrables circulaires pondues par le Commandement.
Je n'avais plus guère espoir de réaliser mon rêve de devenir pilote un jour. Le recrutement n'était que sur titres (baccalauréat ou brevet) que je n'avais pas. On pouvait aussi se présenter à un concours mais je ne me sentais pas apte à le passer ni à le préparer, ayant quitté mes modestes études classiques depuis trop longtemps. Mais voilà qu'un jour par une de ces circulaires, je découvre qu'à titre provisoire, on pouvait être admis sur titre en justifiant d'une scolarité en classe de Seconde ! Quelle aubaine, c'était mon cas ! Je contactais immédiatement mon ancienne école qui par chance existait toujours et on m'envoya l'attestation miracle.

Ma demande est donc immédiatement formulée et je suis bientôt convoqué pour subir les examens d'aptitude médicale aux fonctions du personnel navigant. Un centre spécial (CEMPN) existe à Paris et j'y subis un grand nombre d'examens avec une véritable épée de Damoclès au dessus de ma tête… Pour la vue, je suis légèrement daltonien ! Pour les réflexes, il y en a un qui est un peu lent ! Et le comble, mon dossier médical fait mention de mon hospitalisation suite à mon accident de moto à Tunis " avec traumatisme crânien " Aussitôt, je dois subir un électro-encéphalogramme pour vérifier s'il en reste des séquelles autres que la cicatrice sur le cuir chevelu. Cet examen imprévu se fait dans un hôpital, par un grand chef, devant un parterre de carabins. On doit pouvoir déclencher sur moi une crise de delirium tremens si le traumatisme est notoire… c'est dire dans quelle ambiance se déroulent les stimulations ! Fort heureusement, il n'y avait rien d'inquiétant à consigner dans mon dossier.
Encore une fois, le hasard me fit une fleur quand je passais devant le Commandant du Centre pour le " jugement dernier " et la décision " Apte ou Inapte ". C'était un Colonel qui m'accueillit et me signifia tous les petits accros qu'avaient révélés les différents examens. A ce moment-là, je pensais bien être recalé. Mais voilà ce brave Colonel qui me confie qu'il était bressan d'origine, de Sainte-Croix-en-Bresse … et de conclure " Entre bressans, on ne va quand même pas se bouffer le nez… " Et il m'accorda le précieux certificat d'aptitude. Seule restriction, je n'étais pas apte à l'aviation de chasse, mais seulement de transport. Je crois que je l'aurais embrassé si ses cinq ficelles ne m'avaient retenu ! Quelle ne fut pas ma fierté de retrouver mes collègues bureaucrates ébahis, nanti de ce sésame qui allait peut-être me permettre de réaliser un rêve vieux de plus de 7 ans et auquel je ne croyais plus guère.

 

La moto BSA 500cc "culbutée" achetée à Lyon, va monter à Paris!

 

Vue sur un square depuis la première chambre d'hotel à l'arrivée à Paris.

 

Rue St-Charles (15°), devant l' hotel (à G.) où je séjournerai pendant une année. Mon vélo est au bord du trottoir

Au bord d'un petit lac au Bois de Boulogne

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Le Chateau de Chantilly, au cours d'une ballade en moto.

 

L'un des certificats annuels d'aptitude au pilotage

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